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Billet invité, écrit par Pablo Richard
La situation
En tant que facilitateur, nous préparons souvent des ateliers (idéations, solutions, organisation, …). Le plan est souvent le même : on diverge…puis on converge. Parfois plusieurs fois dans le même atelier enchainant ce principe.

Les enjeux de la divergence sont de maximiser l’intelligence collective en ouvrant le champ des possibles. Celui de la convergence est de faire des choix. Dans les cas simple ou compliqués, la facilitation est plutôt abordable. Dans les cas complexes ou chaotiques, c’est beaucoup moins évident, les enchaînements de questions peuvent être remis en cause, les luttes d’égo ou la timebox font pression pour converger rapidement ce qui pousse à des simplifications frustrantes. Dans ces cas l’atelier apporte plus de confusion que de clarté.
Voici une méthode simple et efficace pour éviter au maximum ces biais et conduire de manière sereine l’atelier.
La phase de divergence
Des outils tels que les Liberating Structures permettent de récupérer les informations avec une certaine efficacité tout garantissant un maximum d’intelligence collective. Des 1-2-4-All par exemple permettent à un grand nombre de participants de contribuer.
L’étape qui consiste à positionner les informations sur un mur ou un board est souvent moins cadrée. A ce stade, tout le monde ne saisi pas le sujet de la même manière, il faut se l’approprier. Pour accéder à la clarté, les enjeux sont :
- Comprendre en faisant reformuler l’intention
- Trier les idées en accédant à un niveau de clarté imparfait et acceptable
- S’interdire d’essayer de converger tout de suite, y aller par étapes
Libérer l’intelligence collective avec les niveaux de pensées
La pyramide de Dilts donne une grille de lecture permettant d’accéder rapidement à une compréhension de la situation. C’est en utilisant cet outil que nous allons pouvoir diverger sereinement en catégorisant les idées en niveau logiques de pensée avant d’entamer la convergence.

Toutes les idées ne sont pas sur le même niveau logique, et c’est aussi ce qui fait la force de l’intelligence collective. Dans les phases de convergence, classiquement, des post-it sont rassemblés par « thèmes » mais en réalité le même post-it peut faire partie de plusieurs thèmes, et on peut répondre au même thème sur plusieurs niveaux. Des débats enflammés peuvent alors scinder des groupes sur le « comment » alors qu’en fait ils sont d’accord sur l’intention (le « pourquoi »).
La séparation en niveaux logiques permet d’éviter la concurrence entre une valeur et un concept, un livrable ou une vision. On garde tout, on ne fait que placer les idées de chacun sur des catégories différentes et on converge uniquement ce qui correspond à la même idée sur le même niveau (les vrais doublons).
Pour cela, Avant de converger, et de faire des « patates » de post-it, une étape de tri permet d’amener de la clarté : appelons cela la « lasagne » de Dilts.
Prenons en exemple la discussion familiale du départ en vacances :

Une facilitation pédagogique
On a préparé au préalable les 6 niveaux visibles sur l’espace de restitution commun des idées. Les premières fois le facilitateur fait le tri, en expliquant sans justifier (pour éviter les débats), et au fur et a mesure de l’habitude des participants à la catégorisation, les participants seront plus autonomes.
On peut faire apparaître sur les lignes correspondant au niveaux les différentes façons de les interpréter (comportement / action / le quoi ?).
Visualiser la complexité et entamer la convergence
Lorsque tout le monde s’est exprimé, onventile les post-it par niveaux est effectué (et c’est ok si ce n’est pas parfait), et alors nous pouvons visualiser la complexité du système. Le besoin de contribution des participants est nourri. rien n’est « exclu », juste distingué. Nous pouvons collectivement constater que le sujet est complexe.

On va chercher à faire apparaitre deux choses :
- les alignements : On va regrouper verticalement les idées autour de la même intention. Pour cela, on commence par prendre le premier post-it du niveau le plus haut (l’intention)
On décline sur tous les niveaux les idées associées (mission, croyances, capacités, compétences….). On effectue le travail sur toutes les idées .Une fois passé un ou deux exemples, Le contrôle de ce travail sera distribué, afin que le facilitateur n’influe pas sur le contenu (facipulation ! ), et reste en posture haute sur le cadre.

- les trous dans le gruyère : Le travail de tri peut montrer la complexité du sujet et des trous dans la réflexion. Nous pouvons aller plus loin en questionnant le groupe ou simplement faire apparaître le besoin de creuser.

Le questionnement est assez simple finalement, si il manque des compétences ou un savoir, on questionne le comment (vis-a-vis de la vision). Si il manque de la vision, on questionne le but. (Voir questions dans le tableau)
Les idées un peu seules sont naturellement laissées car n’étant pas déclinées sur tous les niveaux montrent qu’il y a des failles pour répondre à la problématique.
Notons deux cas classiques : Les niveaux hauts (vision, mission) sans le bas c’est le « yakafaucon », dans le cas inverse c’est la trouvaille technique, avant que le sens, l’utilité n’ait émergé.

Une fois l’alignement et les trous bouchés, on peut « raconter une histoire » pour obtenir le maximum de clarté et de sens.

De la facilitation au coaching pour aller plus loin
Cet outillage, qui demande un peu de pratique permet d’aller rapidement à l’essentiel et d’enclencher les étapes suivantes. Il permet au facilitateur d’être plus serein dans la facilitation (c’est plus méthodique que les grosses patates habituelles d’idées qui se ressemblent) et surtout dans la compréhension mutuelle des participants.
Si le mandat émerge, on peut aller plus loin en proposant une grille de lecture plus approfondie. Expliquer par le contenu le manque de vision (quel sont les buts) ou d’expertise (concepts, savoirs), les différences entre savoir être et savoir faire et les niveaux d’apprentissages et de résolutions, cela sera l’objet d’autres articles…
#facilitation, #dilts, #coaching
Références :
Niveaux logiques de Dilts : https://fr.wikipedia.org/wiki/Niveaux_logiques
Liberating Structures : https://www.liberatingstructures.fr/
Un grand merci à Luc Taesch de m’avoir fait découvert les niveaux logiques, avoir été précurseur dans la méthode pour la facilitation de groupes, me l’avoir enseigné et aidé à la construction et à l’écriture de cet article.