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La transfo démarre . Hourra! c’est la deuxième, et ce coup-ci , ça va marcher.
Mais les attentes sur la transfo ne sont pas claires ni en haut ni en bas. En termes de délais, de contenu, de manière de procéder, savoir qui ça concerne, les embarquer, et embarquer les autres, et comment faire face à la « résistance au changement »
On ne sait pas trop quand ça finit. ni ce qu’on doit en attendre, concrètement.
En l’absence de clarté, les transfos patinent, les chefs changent et l’on blâme, on recommence, ou pire, on passe à autre chose, ou encore pire, on revient au « business as usual » , dans l’urgence du quotidien .
Pendant ce temps, rien de fondamental n’évolue vraiment; mais l’environnement extérieur lui évolue.
En fait les conceptions que l’on se fait d’une transfo, de ce qu’elle amène, évoluent au fur et à mesure qu’on avance sur le chemin, qu’on résout des problèmes, que d’autres se dévoilent, et que l’on gagne en maturité.
Si on disposait directement d’une conception mure, on pourrait avancer avec clarté, améliorer la vélocité initiale, réduire la souffrance des multiples itérations, et augmenter ses chances de survivre. Ça permettrait de passer d’une vision floue , ou « affolante » et brutale de la transfo, à une version motivante, ou douceur et efficacité ne sont pas antagonistes.
I. À quoi ressemblerait une conception plus mure d’une transformation ?
- Le changement est continu ( et non discret, avec un avant et un après).
- Les compétences idoines doivent être internalisées et pérennes ( et non pas staffée à 80% d’externes).
- Cela concerne tout le monde ( et non une part séparée de l’organisation).
- ça touche la structure organisationnelle mais aussi le social et le culturel, et ce changement ne se décrète pas (comme un business process); on ne sait généralement pas comment l’opérer.
« Quand la transformation numérique est bien faite, c’est comme une chenille qui se transforme en papillon, mais quand elle est mal faite, on n’a qu’une chenille très rapide » — Esko Kilpi
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Le changement est continu ( et non ponctuel , ou discret )
Reprenons l’échelle de DeLavalée, qui décrit les cinq temps du changement. Apparus à des moments différents de l’histoire de l’accompagnement du changement : années 1980, 1990, début 2000, 2010 et aujourd’hui. En ce sens, on peut dire qu’ils correspondent à des stades de maturité croissants en matière d’accompagnement du changement.
- ad hoc: Changement peu fréquent et, surtout, encadré par de longues périodes de stabilité.
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le management du changement: le changement est devenu beaucoup plus fréquent. La plupart des entreprises externalisent alors leurs démarches de changement dans les mains des cabinets de consultants.
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l’internalisation: le changement devient suffisamment fréquent pour qu’il soit légitime que les entreprises acquièrent des compétences pour l’accompagner. Logée dans une structure dédiée à la transformation directement rattachée à la direction générale ou logée au sein de la DRH ou de la DSI.
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Le changement permanent: nouvelle accélération . Le rythme du changement est dès lors tellement rapide que sa périodicité est plus courte que la durée de sa mise en œuvre. On n’a pas terminé un premier changement qu’il faut déjà en amorcer un second. (1) le changement est l’affaire de tous au sein de l’entreprise (et plus seulement d’une structure dédiée qui en a la charge et la responsabilité) et que (2) il est intégré au travail à part entière et plus seulement appréhendé comme une contribution épisodique qui vient se surajouter à l’activité quotidienne.
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le changement engrammé: non seulement le rythme du changement est rapide, mais, en plus, il est devenu continu et permanent. Ce ne sont plus seulement les projets de développement informatique qui doivent être agiles, mais l’ensemble de l’organisation. Du coup, le changement cesse d’être un problème de management pour devenir (aussi) une question d’organisation. Les organisations doivent être conçues pour produire et, en même temps, pour changer. Qu’elles soient reconfigurables.
Le deuxième temps, l’externalisation du changement à un cabinet de consultant, c est encore le paradigme dominant aujourd’hui’ui pour une majorité d’ entreprises.
Dans le monde actuel, il y a en revanche peu de chance que le degré d’incertitude et de turbulence de leur environnement diminue. Du coup, elles doivent se préparer à faire évoluer leurs pratiques vers des degrés de maturité supérieurs : vers le temps 3, voire le temps 5, parfois sans passer par la case du temps 4.
Plaçons-nous dans la perspective de ce cinquième temps, et regardons les implications (corollaire):
Les compétences idoines doivent être internalisées et pérennes
Il existe de nombreuse boite a outils pour le « savoir, mais le « savoir faire » se développe sur le tas, quand « savoir être » cela reste un mystère, autant sur son acquisition que la définition même des attendus…
Et pourtant, il apparaît que ces compétences doivent faire partie de l’ entreprise, et accessible à tous ceux qui doivent changer, et faciliter le changement…
C’est-à-dire tout le monde…
Cela concerne tout le monde
( et non une part séparée de l’organisation )
si on délègue la transformation à une personne et/ou à un département. Alors on acte le fait qu’elle n’est pas l’affaire de tous. Au sein de l’équipe de direction, il y a « Monsieur ou Madame Transformation », les autres membres restant centrés sur le fonctionnement de l’organisation en place. Tout le monde aura naturellement tendance à se décharger des problèmes de transformation sur celui ou sur celle qui en est responsable. en plus de l’inefficacité, on risque de créer artificiellement des résistances au changement.
et donc, il va se dévoiler (progressivement) :
- ce n’est pas qu’une transformation de l’IT ,
- ce n’est pas qu’au niveau des « doer » 1 ( même si ça peut commencer par la: exemple de l’agile)
- ça touche tous les managers , opérationnels et stratégiques
- et ça change leur métier
ça touche (toute) l’organisation :
Une organisation, c’ est le formel et l’informel (le social et le culturel)
tout cela sera affecté.
- formel :la structure organisationnelle ( répartition des rôles) 2
- social : les interactions (comportements)
- culturel : les croyances et valeurs (un système de références communes)
Si on ne touche qu’au formel c’est une simple réorganisation, et non une transformation 3. Même si on tente des formes « modernes », tel que holacracy ou organisations cellulaires, on changera la forme du râteau en cercles ou en fractal, mais on n’aura pas touché l’essentiel, les interactions humaines et leur système de référence.
Bon, et comment faire ?
Si on dispose d’un département « transformation » 4 rempli à 80% d’externes, comment s’y prendre ? de quelles compétences doit-ton disposer ? Suffit-il de lancer de grands programmes de formation, suivis du déploiement de bus remplis de coachs pour accompagner les doers, et puis les managers? Ces coachs ( externes) sauront-ils s’y prendre pour « acculturer » nos managers ?) . Ce Comment est l’objet de la deuxième partie.
- ceux qui font (En:do), par opposition au management. ↩
- la division du travail et la coordination des activités ( plus le projet stratégique + un système de management) ↩
- ca sera donc « plus de la même chose » [Watzlawick]. voir Les type et nature de changements ↩
- où d’un centre de compétences agile ↩