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Résumons les deux premières parties de cet article :
- La compréhension autour d’une transformation évolue alors que la transformation avance.
- Le changement est continu et non discret avec un avant et un après.
- Cela concerne tout le monde et non une part séparée de l’organisation.
- Ca touche la structure organisationelle – et aussi le social et le culturel – et ce changement ne se décrète pas comme un business process, classiquement on ne sait pas comment l’opérer.
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Des compétences spécifiques doivent être développées pour performer et se transformer.
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Les compétences idoines doivent être internalisées et pérennes.
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Ces nouvelles compétences doivent être intégrées, pas juste connues intellectuellement.
Sinon cela n’aura aucun effet. Et c’est l’effet transformateur qui est recherché, pas un effet de vitrine. -
Elles vont se diffuser viralement, selon une courbe en S – lentement au départ, inexorablement ensuite -.
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Au départ, elles doivent être soutenues, autorisées et structurées.
III. Obstacles
Sur un chemin de transformation, il y a toujours des barrières à franchir, des obstacles à surmonter. C’est normal ! En revanche, si ces obstacles se transforment en points de blocage susceptibles de stopper, même temporairement, la dynamique de changement, c’est une autre affaire ! La distinction entre les deux n’est pas toujours évidente, surtout au début 1. Les voir et les appréhender en avance permettent de changer ou d’adapter la trajectoire et la vélocité. 2 Cela évite les solutions simplistes, qui ne fonctionnent pas.
À tout problème complexe il existe une solution simple, claire et fausse. — G. Bernard Shaw
Citons quelques barrières, certaines classiques, d’autres moins :
– la procrastination et l’incertitude face au changement
– la perte de repères et la confusion des repères (le besoin d’ordre) l’organisation multiculturelle jaune +.
– les paradoxes. Confondre avec problèmes et résolution, surtout dans un environnement technique. Prendre du recul plutôt que de foncer. (prise de recul et considérer)
– l’incertitude et la confusion avec la gestion des risques. Conservatisme et vivre avec la trouille au ventre (sécurité et courage)
– quels « pouvoirs » pour quelles communautés . Qui peut faire quoi ? (ordre chaos et anarchie)
Tout le monde ne réagit pas de la même manière au changement
Face à un changement, il y a 4 types de réactions, schématiquement 3 :
– les enthousiastes (1) ( 15%)
– les partagés (2) et hésitants (3) (60%)
– les irréductibles (4) (15%)
Les premiers ( 15%) aiment la nouveauté en soi, il suffira de les identifier et de les soutenir.
Les seconds veulent être sûrs que les autres bougent et que ça marche (30%), ou hésitent face à l’inconnu, mais bougeront si on leur donne des ordres clairs et précis (30%).
Enfin, les irréductibles ( 15%) seront prêts à affirmer leur peur du changement de manière musclée.
Les motivations des uns sont antagonistes à celles des autres . La simplicité d’une approche unique doit alors être abandonnée – qu’elle soit directive/top down ou participative 4 -, au profit d’ une approche calibrée pour chaque segment. C’est la métaphore du train. On embarque les plus motivés (1) (la locomotive), qui vont montrer que ça marche et rassurer la première majorité (2), le premier wagon. Il y aura alors assez de clarté pour piloter « précisément » le groupe (3), le deuxième wagon. Le groupe (4) n’aura alors plus de prise sur le groupe majoritaire (2) et (3), qui est réellement l’enjeu5 d’une transformation. Le train sera parti.
Ce n’est pas une stratégie manipulatrice, mais une stratégie qui tient compte de la diversité de motivation des individus et qui les fait bouger en conséquence.
Cela nécessite d’aller sur le terrain et de faire se révéler les motivations individuelles. Ce n’est pas de la stratégie en chambre, en tour d’ivoire.
La locomotive, c’est le réseau qui va se constituer autour de ces nouvelles compétences d’interaction et qui sera le vecteur d’évolution de la culture, les nouveaux repères.
Plusieurs systèmes vont cohabiter (social, culture)
Dans le train du changement, tout le monde ne part pas en même temps , ni ne va à la même vitesse. C’est l’intérêt (ne pas marcher au pas du plus lent), mais cela pose une problématique nouvelle: plusieurs « systèmes » vont cohabiter et ils ne seront pas dans des silos étanches. Ainsi, un manager verra ses équipes pionnières embrasser l’autonomie à fond et râler d’être ralenties par le reste du système, tandis que les plus conservateurs râleront que les « autres » ne respectent plus les sacro-saintes règles de la « tradition » et la grande majorité va se sentir en perte de repères et en manque de clarté (le temps que la compétence de leadership se distribue, cf plus loin).
La problématique se reproduira (comme une fractale) dans une même équipe multi-compétences, dont tous les membres n’auront pas les mêmes appétits au changement et aussi dans la couche managériale, qui vont se demander où ils vont et à quoi ils [servent désormais](les rôles canoniques)
Cela va apparaitre paradoxal et cela doit être géré, sous peine de stagnation.
Cette problématique du « multi-culturalisme », la cohabitation de plusieurs systèmes-références, va générer des tensions et elles ne sont pas « résolubles » car ce sont des paradoxes et non des problèmes.
Il y a des paliers d’intégration : attention aux plateaux et aux plafonds !
Un exemple de Pisano, les cultures innovantes sont décrites comme « funs », pleines de jeux collaboratifs et d’expérimentation, empreintes de tolérance à l’erreur. L’autre face de la même pièce est moins « fun »:
- Une tolérance à l’échec exige une intolérance à l’incompétence.
- La volonté d’expérimenter exige une discipline rigoureuse.
- La sécurité psychologique exige d’être confortable avec une candeur radicale.
- La collaboration ne va pas sans une imputabilité individuelle (EN:accountability).
- Et l’abandon d’un pur système top-down exige la montée de leadership fort (et réparti).
Les cultures innovantes sont paradoxales. Si les tensions créées par ces paradoxes ne sont pas soigneusement gérées, les tentatives visant à créer une culture novatrice échoueront.
Parmi les agents de changement eux-mêmes, citons la tension coach-consultants :
– le consultant est productiviste, matériel, hiérarchique,
– le coach est immatériel, soutenant, autonomisant, souvent anti-hiérarchique
Confusion entre incertitudes et gestion de risque
Confusion entre communautés, décision et diffusion
mécanisme de diffusion vs mécanisme de régulation
courbe d’embarquement
- L’expérience, c’est le nom que chacun donne à ses erreurs – HG wells. ↩
- Les motards savent qu’on ne met pas les gaz avant de voir la sortie du tournant ! ↩
- La version longue et explicite est là ↩
- L’erreur serait ici de fait une seule stratégie, la même pour tout le monde. Top down ou même participative. C’est un classique, documenté depuis les années 70 et pourtant, répété – récurremment et surtout – par les grands cabinets de consulting dans les niveaux 2 (et 3), qui font du changement « en chambre » et non sur le terrain, puisqu’ils n’implémentent pas les transformations qu’ils recommandent. ↩
- Les passifs (60%) sont l’enjeu du projet. Si, in fine, ils nous suivent, alors notre projet sera un succès, s’ils suivent nos opposants ou pire, s’ils ne font rien, alors ce sera un échec. ↩