Equipe autonome et décision de groupe – Résumé



Pour Être autonome , une équipe doit être capable de décider.

Décider en groupe, c’est dur, c’est compliqué . Pour réussir, il importe de clarifier ce que c’est décider (et pas), et comment on décide, avoir la bonne méthode.

Détaillons:

Pourquoi

une équipe qui dépend d’un « chef » pour décider, c’est comme un enfant. l’enfant ne peut satisfaire ses propres besoins, et il ne peut décider pour lui-même. l’enfant est dépendant, alors qu’un adulte est autonome, il peut décider ( et satisfaire ses propres besoins)

Distinguer

il faut avoir de la clarté et notamment, savoir distinguer :

  • réfléchir et décider
  • il faut savoir gérer les divergences d’opinions et que ça ne dégénère pas en conflit de personnes
  • il faut savoir sur quoi on a autorité pour decider

la réflexion est divergente, la décision est convergente. le premier crée des choix, le deuxième fait des choix. passer en boucle de l’un à l autre sans clarté ni structure, c’est la confusion et ca va dégénerer.

il importe de distinguer les divergences d opinion , des conflits d’opinions, des conflits de personne. le premier est nécessaire à une réflexion riche, le dernier est redouté par le groupe. Cela nécessite respect et écoute. Sans clarté ni structure, ca va dégénérer en conflit d’opinions, voir en conflits de personnes. cela va amener soit à la dissolution du groupe, soit au retour d’un chef.

il importe aussi de comprendre sa zone d’autonomie, car on ne peut décider que pour soi. et donc de comprendre lors qu’il y a d autres personnes à consulter, à impliquer, voir dont la décision relève ,n est pas dans sa zone.

Comment

Ensuite il faut comprendre quelle est la méthode de décision.

les 4 Paliers d’Erden-Nonaka : modéliser l’autonomie d’une équipe

Le modèle d’Erden permet de modéliser la montée vers l’autonomie d’une équipe.

une introduction rapide en vidéo (6 mn) :

  • ce que c’est : (3 mn)
  • comment je l’ai déployé, par paliers ( varier les postures de coachs) : (3 mn)

Les Schémas de l’autonomisation d’équipe

ERden


Autonomie et maturité émotionelle

Erden modélise l’autonomie d’une l’équipe . Ce n est PAS un modèle de sa maturité « émotionelle » (Tuckman , Lencione, etc ) ( ce qui va avec, qui est un prérequis)

Voir aussi

Enseigner le travail en équipe : Erden – Nonaka

Agile est post-industriel. Pourquoi ? (et pourquoi devriez-vous vous en soucier…)

Je suis un agiliste (aussi). Un facteur clé de succès pour implémenter Agile est de comprendre qu’il s’agit d’un concept post industriel (par opposition à industriel). En particulier, sa relation avec l’autonomie dans l’organisation du travail.

Faute d’intégrer cela, vous mettrez probablement en place une gouvernance agile… à la manière industrielle… par habitude.

Et ce n’est pas ce que vous voulez vraiment, à mon avis.

Le défi est triple ici :
1) comprendre ce que signifie réellement post-industriel,
2) ce que cela peut signifier dans un contexte IT Agile,
3) ce qu’impliquerait la redéfinition de votre organisation du travail pour devenir agile.

Post-industriel, de quoi s’agit-il ?

SelonWikipedia, la période post-industrielle est celle où la plus grande partie de la richesse ne provient plus de l’industrie, mais des services. Ce qui est le cas actuellement : environ 70 % des employés en Europe ou aux États-Unis travaillent dans le secteur des services.

Si l’on résume les distinctions fondamentales développées plus loin, on peut dire :

La période industrielle était marquée par la centralisation de la réflexion et de la décision, en s’appuyant sur des règles. Le bien et le mal étaient prédéfinis, ce qui a favorisé un comportement de conformisme et a pourvu aux besoins matériels de base, grâce à la production de masse.

Le Post Industriel est, par comparaison, plutôt marqué par une réflexion et une décision locales, avec une recherche de cohérence via des principes, localement adaptés à la réalité du terrain. Cela exige de l’autonomie et de la responsabilité, y compris pour l’adaptation émergente de ces principes, pour évoluer en cohérence avec une réalité qui change rapidement. Cette période correspond aussi à une demande de satisfaire des besoins plus élevés, moins matériels, de nature plus informationnelle et plus diversifiée. Les produits de cette époque tendent ainsi vers l’unique et l’éphémère.


Détaillons cela. Nous allons sortir du cadre de l’ Agile IT, et nous aventurer en sociologie, psychologie, économie et architecture d’entreprise. Les lecteurs agiles sont généralement curieux, alors restez concentrés 😉 Nous essayons de rester légers et fournirons des pointeurs. Pour clarifier les choses, oublions les nuances et les subtilités pendant un moment, poussons un peu le contraste et imaginons deux pôles :

  • pour l’industriel : une usine du début du XXe siècle d’un côté,
  • pour le post industrial : une compagnie Agile IT d’autre part, disons une PME de 500 personnes, gérant un portefeuille de produits. Et ce pour aller au-delà de l’archétype agile “une équipe, une startup de produit”.

Nous élaborerons une image très contrastée pour renforcer les distinctions _ entre _industriel et_post-industriel_, à l’intérieur de niveaux logiques croissants.

Qui pense ?

« Certains pensent, d’autres font  » pourrait résumer l’état d’esprit industriel. Cela signifie « Certains pensent, les autres exécutent ». Les actionnaires (et top executives) pensent la « vision », tous les autres exécutent le plan et servent principalement de « muscles ».

Notez que c’est toujours le paradigme dominant vision – exécution utilisés par la plupart des sociétés de conseil.

Comment pouvons-nous comparer cela dans le paradigme post-industriel ? Essayons « Tout le monde pense, la plupart exécutent ». En informatique, non seulement le « faire » c’est « penser », mais « organiser » c’est penser aussi, tout comme outiller, planifier, visionner le « projet » ou le « produit ». Travailler n’est plus du muscle, mais des “pensées d’action”.

Distribution de la décision

Cependant, l’autonomie est un facteur important dans une équipe agile. Et ce vieux paradigme de  » penser et faire  » ne saisit pas l’essence de l’autonomie : la décision. Utilisons plutôt le paradigme « penser -> décider -> faire ».

Le côté industriel devient alors « Certains pensent, Certains décident, La plupart font ».

Les penseurs sont les propriétaires et les directeurs, tout comme les décideurs et les ingénieurs qui les mettent en œuvre. D’autre part, la chaîne d’assemblage, et la plupart des travailleurs ne font que faire fonctionner les machines . Il n’y a pas grand-chose à décider pour un ouvrier (dans une usine pré-Lean). Ils sont tenus de « s’il vous plaît, insérez-vous là ou on vous dit, et soyez simplement et bien conformes ».

Le paradigme post industriel pour une équipe semi-autonome deviendrait :

  • Tout le monde pense et décide,
  • Certains décident aussi des  » stratégies « ,
  • La plupart “font”.

L’astuce consiste donc à trouver l’équilibre entre

  1. « tout le monde décide pour tout « ,
  2.  » personne ne décide, vraiment « ,
  3. et  » Quelques-uns décident pour tout le monde « .

Le premier ne passe pas à l’échelle au-delà d’une poignée de personnes, le second conduit au chaos et peut-être à la désintégration, et le dernier revient à la  » planification centrale « , c’est-à-dire à l’état d’esprit industriel. L’autonomie peut fonctionner lorsque les pièges sont clairement visibles et évités.

La distinction local-central est un des facteurs permettant de distinguer entre un ensemble de startups indépendantes (c’est-à-dire la totale indépendance) et un ensemble d’équipes coopérant raisonnablement (c’est-à-dire semi-autonomes).

Essayons une formulation plus spécifique :

Tout le monde pense et décide.

  • Tous décident, localement, pour eux, entre eux.
  • Et certains décident (pour le bien commun), en central, sur des principes.

La plupart font, localement.

  • On utilise ces principes lorsqu’ils sont pertinents et applicables,
  • Et (peut-être) de nouveaux principes émergent quand ce n’est pas le cas.

Central et Local

Pour illustrer, les décisions sont locales lorsqu’une équipe prend elle-même des décision qui concernent leur projet.

Et nous espérons qu’ils réutilisent une architecture existante, et une infrastructure existante, afin de ne pas réinventer (complètement) la roue. Il peut s’agir d’un framework ou d’une architecture ; il peut s’agir simplement d’une stack techno open source « standard », ou de quelque chose de plus sophistiqué comme une architecture évolutive, tolérante aux pannes et auto-réparatrice GAFA qu’un autre projet à conçu précédemment. Quelque chose que vous ne pouvez pas « acheter » sur le marché, mais qui est prêt à l’emploi. C’est quelque chose de « central » à développer, des « idées » transformées en code, qui font partie du « bien commun » de l’entreprise. Ces « biens communs » sont gérés par un club 1 d’utilisateurs intéressés, comme une équipe d’architectes et une « communauté » . A noter que central ne signifie plus « plus haut dans la pyramide » et que la communauté ne « rapporte  » pas au club, comme c’était fait dans l’esprit industriel.

Les règles versus les principes

Une autre distinction importante est celle entre règles et principes. L’esprit industriel était plein de règles. Faites ceci, ne faites pas cela…

Une règle dit « comment est « et comment ça devrait », la manière dont les choses sont « faites ici ». Il n’y a, idéalement, pas d’exceptions et de variations, pour simplifier.

Une règle est prescriptive 2.  » Tout ce qui n’est pas autorisé est interdit « . C’est L’unique manière, celle du “Business Process”. Elle découle du fait qu’une chaîne d’assemblage est conçue pour fonctionner d’UNE SEULE façon, et que toute perturbation ou variation inattendue entraîne une perturbation en amont ou en aval de la chaîne. L’exception est l’ennemi. La conformité est essentielle. Les gens sont confondus avec les rôles et devraient être “remplaçables”.

La prédiction et les stratégies de prédiction sont des éléments clés dans un état d’esprit industriel. Mais les stratégies de prédiction sont basées sur des hypothèses, ce qui nécessite une certaine stabilité dans l’environnement. Les stratégies prédictives sont inutiles et sans valeur dans un monde en rapide évolution, et alors l’adaptation devient la clé. L’Agile c’est l’adaptation érigée en stratégie.

Dans l’état d’esprit post Industriel, pour rendre possible l’adaptation, les principes ne peuvent être strictement prescriptifs 3. Aussi « tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. »

Les principes énoncent donc une intention (et éventuellement des interdictions). Et la mise en œuvre de ces principes sera  » locale « , pour prendre en compte le contexte local.

Morale, Liberté et Responsabilité

La voie Industrielle était prescriptive, comme la morale, qui dit comment bien vivre sa vie, en distinguant le  » bien  » du  » mal « . Et cela conduit à une certaine uniformité, qui correspond a une certaine conformité à un « processus » social.

Mais quand il y a beaucoup d’options possibles, l’échelle binaire du bon ou du mauvais n’est plus pertinente. ****Le contraire du mal n’est plus nécessairement le bien*****. Le bien qui vous convient, à vous, ici et maintenant. Choisir la meilleure option exige d’expérimenter. Les choix pré-mâchés du passé peuvent ne plus être valables parce que, peut-être, les choses ont changé depuis.


Cette situation a été appelée « ambiguë  » ou  » complexe « , par opposition à  » compliquée « , à l’ère industrielle. Construire une usine est compliqué, élever un enfant est complexe.

Cependant, le fait d’avoir plus d’options signifie que vous avez plus de liberté. Ce qui est sympa. À moins que vous ne soyez mal à l’aise avec le fait de chercher des réponses par vous-même. Le post-industriel est plus libre, mais moins sûr. Il se peut que vous ayez besoin d’augmenter votre capacité à trouver des réponses par vous-même. C’est le sens de respons-abilité, La capacité à répondre. Le post Industriel apporte plus de liberté avec plus de responsabilité.

Production de masse contre longue traîne

L’Industriel était destiné à la production de masse. Cela signifiait produire beaucoup de copies du prototype original, avec peu ou pas de variations.

Ceci est illustré par la courbe de gauss, où 80 % de la couverture se situe à moins de 20 % de la médiane. L’autre partie de la courbe, la traîne a été ignorée. C’était la façon de faire des affaires rentables.

Jusqu’à l’arrivée d’eBay. Si vous considérez eBay comme un magasin, il a le plus grand nombre de références qu’on puisse trouver. Et c’est possible parce qu’il ne les a pas en stock. Par comparaison avec Carrefour ou Walmart , qui ont un stock physique avec beaucoup moins de références. C’est ainsi que fonctionne la grande distribution. Alors qu’eBay ne fait que connecter les personnes entre elles.

C’est logique parce que lorsque vous achetez des légumes frais ou de l’eau chez Carrefour, vous vous attendez à les avoir pas trop loin de chez vous. Parce que vous ne pouvez pas vivre 3 jours sans boire. Mais vous pouvez attendre 3 semaines que votre gadget électronique soit envoyé de Chine via eBay.

Et donc, au lieu de se concentrer sur le milieu de la courbe, eBay se concentre sur l’autre partie, la traîne. Ce modèle d’affaires “ longue traîne” a été conceptualisé en 2004 et plus tard, il a étédémontré qu’il y a plus de potentiel d’affaires dans cette longue traîne mince que dans la courbe centrale, celle de la conformité. La diversité prime sur la conformité. La connexion prime sur la production.

Matériel versus l’informationel

Si l’on considère l’ère numérique, la production (dans le sens de la réplication) n’est plus la chose compliquée. Ni la distribution. Il fallait fabriquer et distribuer un CD de musique pour que j’aie de la musique. Mon fils m’a apporté Spotify, et maintenant j’ai tout cela, et en plus, cela m’a donné l’opportunité de découvrir de nouvelles musiques, celles de mon fils, de mes amis et de mes relations, et Spotify m’a même créé une « liste de la semaine », unique pour moi, avec des suggestions que je n’avais jamais entendues auparavant, et en fonction de mes préférences. c’est un Objet unique et éphémère. Est-ce encore un « objet » en fait ? Un « Produit » ? C’est quelque chose que je ne peux pas toucher et qui ne dure pas… hmm… est-ce même encore un “Produit” ? « Product-ion » n’est plus ce qui compte à l’ère post-industrielle.

Les besoins

Pourquoi à quelle fin travaillons-nous, d’ailleurs ? Pour répondre à nos besoins… Si vous considérez la pyramide des besoins, façon Maslow, vous pourriez voir que l’ère industrielle a permis de nourrir des besoins de survie et de sécurité pour une grande partie de l’humanité. Nourriture, abri, confort matériel… Regardons maintenant la couche suivante, celle des relations et de l’autonomie. Ces besoins sont-ils encore matériels ? Ou seraient-ils plutôt de nature plus informationnelle ?

Prenez la métaphore précédente du CD par rapport à Spotify. Les deux m’ont apporté de la « musique » (divertissement, art), mais Spotify m’apporte aussi de l’autonomie et et de la connexion (avec mes relations) en plus. Et avec la  » liste hebdomadaire », il explore pour moi.

Se pourrait-il que l’ère post-industrielle vise des besoins plus élevés, moins matériels, plus informationnels ?

Alors, serait-il judicieux pour une organisation post industrielle de vouloir s’organiser selon les principes d’une usine _industrielle de style 19ème ? Cela serait-il efficace pour une organisation principalement informationnelle, qui répond à des besoins plus élevés de son écosystème et qui personnalise ses « produits » jusqu’au point de l’unicité, de chercher à se conformer aux règles de la production de masse ? Peut-être pas… Mais alors, comment me repérer, si je ne sais pas différencier l’état d’esprit industriel de l’état d’esprit post-industriel ?

Résumons :

La période industrielle était marquée par la centralisation de la réflexion et de la décision, en s’appuyant sur des règles. Le bien et le mal étaient prédéfinis, ce qui a favorisé un comportement de _conformisme et a pourvu aux besoins _matériels de base, grâce à la _ production de masse_.

Le post Industriel est, par comparaison, plutôt marqué par une réflexion et une décision _locales, avec une recherche de cohérence via des principes, adaptés localement à la réalité. Cela exige de l’autonomie et de la responsabilité. Et Cela comprend l’adaptation émergente de ces principes, afin d’ évoluer en cohérence avec une réalité qui change rapidement. Cette période correspond aussi à une demande de satisfaire des besoins plus élevés, moins matériels, de nature plus informationnelle et plus diversifiée. Les produits de cette époque tendent ainsi vers l’unique et l’éphémère.


Alignement et Cohérence

Il y a beaucoup de changements à gérer dans cette pile de modèles, et beaucoup de nouveaux concepts à digérer… Et donc beaucoup de chance louper quelque chose…

En même temps, il est logique qu’une entreprise s’aligne sur les besoins de ses clients, même si ceux-ci changent profondément de nature, à mesure que la société évolue.

Mais en fin de compte, nous pourrions comprendre que l’Agilité ne requiert pas l’autonomie comme une forme de révolution idéologique contre le centralisme, mais comme une nécessité d’adaptation locale, en raison de l’évolution rapide des besoins.

Elle découle d’un changement dans le niveau des besoins satisfaits, de la nature moins matérielle des besoins et de leur variété. La nature même des “produits” change également alors qu’ils se dématérialisent. Il s’ensuit un changement de modèle d’entreprise, de la Production de masse vers la Longue traîne, qui commande lui-même un changement dans le modèle opérationel, de la planification centralisée vers des entités semi-autonomes.

Le risque est qu’avec tant de changements, et beaucoup d’entre eux arrivant graduellement, ils restent implicites, non dits, non vus. La plupart des organisations sont simplement structurées « normalement », c’est-à-dire autour de « concepts classiques ». Ou pour le dire explicitement : à la manière industrielle. Et l’une des raisons pourrait être : il n’y avait pas d’autres options, pas de distinctions, explicites, pas assez de clarté..

Mais maintenant, vous les avez.

Alors, pour conclure cette première partie avec humour

La prochaine fois que vous entendrez vos clients prononcer la devise  » industrialisons l’agilité « [5], vous vous rendrez peut-être compte qu’il y a là une certaine confusion, un manque de distinctions :

Agile est post-Industriel.

Et vous avez peut-être trouvé quelques arguments. Je serais ravi d’entendre les vôtres, bien sûr.

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Les Prochain Articles expliqueront pourquoi il est important de comprendre ces distinctions, et comment mettre cette compréhension en pratique. Faites-moi savoir si vous êtes intéressé à lire cela .

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Merci pour leurs aimables commentaires et critiques : :Sinan Si Ahir, Tom Graves, Dov Tsal Sela, Damien Thouvenin, Marion Fontaine, Jean Pierre Schmitt, Stephane Badach.


Cet article a été publié initialement en Anglais , le 17 Decembre 2016
Merci à Philippe Brière pour le fun, la motivation et le coup de main à la traduction francaise


  1. https://en.wikipedia.org/wiki/Public 
  2. Fait intéressant, Le Merrian Webster montre que les synonymes de prescriptif sont  » conventionnel, traditionnel, coutumier « . 
  3. comme l’avenir n’est plus  » traditionnel  » (prescriptif), le passé ne peut pas aider à prédire l’avenir, car  » les choses changent” (vite ) « . 

faciliter avec Dilts

Billet invité, écrit par Pablo Richard

La situation

En tant que facilitateur, nous préparons souvent des ateliers (idéations, solutions, organisation, …). Le plan est souvent le même : on diverge…puis on converge. Parfois plusieurs fois dans le même atelier enchainant ce principe.

Pattern classique de factilitation
Pattern convergence / divergence pour factilitater

Les enjeux de la divergence sont de maximiser l’intelligence collective en ouvrant le champ des possibles. Celui de la convergence est de faire des choix. Dans les cas simple ou compliqués, la facilitation est plutôt abordable. Dans les cas complexes ou chaotiques, c’est beaucoup moins évident, les enchaînements de questions peuvent être remis en cause, les luttes d’égo ou la timebox font pression pour converger rapidement ce qui pousse à des simplifications frustrantes. Dans ces cas l’atelier apporte plus de confusion que de clarté.

Voici une méthode simple et efficace pour éviter au maximum ces biais et conduire de manière sereine l’atelier.

La phase de divergence

Des outils tels que les Liberating Structures permettent de récupérer les informations avec une certaine efficacité tout garantissant un maximum d’intelligence collective. Des 1-2-4-All par exemple permettent à un grand nombre de participants de contribuer.

L’étape qui consiste à positionner les informations sur un mur ou un board est souvent moins cadrée. A ce stade, tout le monde ne saisi pas le sujet de la même manière, il faut se l’approprier. Pour accéder à la clarté, les enjeux sont :

  • Comprendre en faisant reformuler l’intention
  • Trier les idées en accédant à un niveau de clarté imparfait et acceptable
  • S’interdire d’essayer de converger tout de suite, y aller par étapes

Libérer l’intelligence collective avec les niveaux de pensées

La pyramide de Dilts donne une grille de lecture permettant d’accéder rapidement à une compréhension de la situation. C’est en utilisant cet outil que nous allons pouvoir diverger sereinement en catégorisant les idées en niveau logiques de pensée avant d’entamer la convergence.

Lasagne de Dilts
Lasagne de Dilts

Toutes les idées ne sont pas sur le même niveau logique, et c’est aussi ce qui fait la force de l’intelligence collective. Dans les phases de convergence, classiquement, des post-it sont rassemblés par « thèmes » mais en réalité le même post-it peut faire partie de plusieurs thèmes, et on peut répondre au même thème sur plusieurs niveaux. Des débats enflammés peuvent alors scinder des groupes sur le « comment » alors qu’en fait ils sont d’accord sur l’intention (le « pourquoi »).
La séparation en niveaux logiques permet d’éviter la concurrence entre une valeur et un concept, un livrable ou une vision. On garde tout, on ne fait que placer les idées de chacun sur des catégories différentes et on converge uniquement ce qui correspond à la même idée sur le même niveau (les vrais doublons).
Pour cela, Avant de converger, et de faire des « patates » de post-it, une étape de tri permet d’amener de la clarté : appelons cela la « lasagne » de Dilts.

Prenons en exemple la discussion familiale du départ en vacances :

Exemple des vacances en famille

Une facilitation pédagogique

On a préparé au préalable les 6 niveaux visibles sur l’espace de restitution commun des idées. Les premières fois le facilitateur fait le tri, en expliquant sans justifier (pour éviter les débats), et au fur et a mesure de l’habitude des participants à la catégorisation, les participants seront plus autonomes.

On peut faire apparaître sur les lignes correspondant au niveaux les différentes façons de les interpréter (comportement / action / le quoi ?).

Visualiser la complexité et entamer la convergence

Lorsque tout le monde s’est exprimé, onventile les post-it par niveaux est effectué (et c’est ok si ce n’est pas parfait), et alors nous pouvons visualiser la complexité du système. Le besoin de contribution des participants est nourri. rien n’est « exclu », juste distingué. Nous pouvons collectivement constater que le sujet est complexe.

Le tri par niveau

On va chercher à faire  apparaitre deux choses :

  • les alignements : On va regrouper verticalement les idées autour de la même intention. Pour cela, on commence par prendre le premier post-it du niveau le plus haut (l’intention)
    On décline sur tous les niveaux les idées associées (mission, croyances, capacités, compétences….). On effectue le travail sur toutes les idées .Une fois passé un ou deux exemples,  Le contrôle de ce travail sera distribué, afin que le facilitateur n’influe pas sur le contenu (facipulation ! ), et reste en posture haute sur le cadre.
les alignements
  • les trous dans le gruyère : Le travail de tri peut montrer la complexité du sujet et des trous dans la réflexion. Nous pouvons aller plus loin en questionnant le groupe ou simplement faire apparaître le besoin de creuser.
les trous dans le gruyère

Le questionnement est assez simple finalement, si il manque des compétences ou un savoir, on questionne le comment (vis-a-vis de la vision). Si il manque de la vision, on questionne le but. (Voir questions dans le tableau)

Les idées un peu seules sont naturellement laissées car n’étant pas déclinées sur tous les niveaux montrent qu’il y a des failles pour répondre à la problématique.

Notons deux cas classiques : Les niveaux hauts (vision, mission) sans le bas c’est le « yakafaucon », dans le cas inverse c’est la trouvaille technique, avant que le sens, l’utilité n’ait émergé.

boucher les trous

Une fois l’alignement et les trous bouchés, on peut « raconter une histoire » pour obtenir le maximum de clarté et de sens.

exemple d’histoire qui peut ressortir

De la facilitation au coaching pour aller plus loin

Cet outillage, qui demande un peu de pratique permet d’aller rapidement à l’essentiel et d’enclencher les étapes suivantes. Il permet au facilitateur d’être plus serein dans la facilitation (c’est plus méthodique que les grosses patates habituelles d’idées qui se ressemblent) et surtout dans la compréhension mutuelle des participants.

Si le mandat émerge, on peut aller plus loin en proposant une grille de lecture plus approfondie. Expliquer par le contenu le manque de vision (quel sont les buts) ou d’expertise (concepts, savoirs), les différences entre savoir être et savoir faire et les niveaux d’apprentissages et de résolutions, cela sera l’objet d’autres articles…

#facilitation, #dilts, #coaching

Références :

Niveaux logiques de Dilts : https://fr.wikipedia.org/wiki/Niveaux_logiques

Liberating Structures : https://www.liberatingstructures.fr/

Un grand merci à Luc Taesch de m’avoir fait découvert les niveaux logiques, avoir été précurseur dans la méthode pour la facilitation de groupes, me l’avoir enseigné et aidé à la construction et à l’écriture de cet article.

Coaching et écoute non-directive

Photo de @simonmigaj

La base de l’agile c’est la boucle de feedback 1, qui permet l’apprentissage. C’est un mouvement de prise de recul 2, une vision élargie, par contraste au focus, la vision étroite du temps de l’action.

Le coach, dans sa posture d’écoute, offre le temps et l’espace pour que la crispation se détende, que l’écoute se déploie, que la disponibilité intérieure reprenne sa place.

Une fois les ressources intérieures re-connectées, la clarté peut apparaitre, et « l’enpowerement » 3 se faire, en toute autonomie 4.

Messieurs les execs, offrez vous une heure par semaine, à ne rien faire, juste pour vous écouter… C’est le plus beau cadeau que vous pouvez vous faire … et à votre écosystème 5


(Merci à Thomas Nansot et Frederic Nguyen pour notre petite conversation d’hier soit qui m’a permis de clarifier cela)


  1. et non pas d’aller vite. ceci est la conséquence de l’apprentissage, et non pas la cause. 
  2. comme le nom le dit, a-prendre, lâcher prise.
  3. littéralement, le ré-empuissancement. 
  4. il est amusant que la traduction française de empowerment est « autonomie ». dans cette confusion, j’ y vois la difficulté de la culture (étatique) française autour du pouvoir et de la puissance (hors institutions). 
  5. et n’attendez pas de frôler le burn-out pour vous y mettre :-) 

Gérer un groupe de coach ou de réflexion – Partie 3 – Les principes


La partie 1 présente la problématique, la partie 2 l’implémentation, La partie 3 les principes.

Animer un groupe de coach ou de réflexion

Il faut pouvoir réfléchir, décider et agir, en parallèle, de manière distribuée (et donc asynchrone).

  • Agir de manière rapide et autonome, individuellement;
  • Décider de manière inclusive, sur des matières complexes (pas juste simple ou compliqués)
  • Réfléchir sur des sujets (complexes) qui émergent de nos problèmes du terrain, ou sur des intentions (vision) futures (et les stratégies à mettre en place);

  • de manière distribuée, c’est-à-dire sans que cela se fasse en dépendance d’une personne (un chef) ou d’un petit groupe de personne (des experts).

  • et sans que tout le monde n’ait besoin d’être présent, sur tous les points, ou pire, que seuls les points où tout le monde est là (et d’accord), soient traités.

Forces en présence

Les espaces de réflexion, décision, et coordination se distinguent par des caractéristiques différentes;

  • ces 3 espaces appellent des tempos différents, des attentes différentes, des postures différentes, des types de communication différents (ex: différence entre dialogue et discussion délibération),

  • la coordination se veut rapide, cadrée (directive si nécessaire), focusée, rassemblement momentané dans un but de faire avancer les actions décidées. (ou de gagner en clarté sur leur interdépendance). Elle commence quand on sait ce qu’on veut faire, et qu’on se sent « authorisé », en sécurité. Elle nourrit un besoin d’écologie (d’efficacité/ efficience/ attente de résultat). c’est un espace convergent.

  • la décision se veut profonde, lente, inclusive pour les parties prenantes concernées, qui a pour objectif de faire quelque chose (ou de ne pas faire) (ou d’adopter des comportements, stratégies, intentions, etc). c’est un espace convergent. Elle permet aux parties prenantes d’être congruentes sur l’objet de la décision : sur une direction qui mène à un but, ou sur le but, ou l’attente, la vision… ( roadmap, objectifs, vision-intention). Notons que toutes les parties prenantes n’ont pas nécessairement participé à la réflexion, ou pas avec la même intensité.

  • la réflexion est divergente, exploratoire. Elle peut être longue, animée. Cela favorise plutôt un nombre réduit de participants, motivés, en posture d’équivalence (Le pouvoir « transmis » n’a pas de valeur, seules la compétence et la contribution importent). Elle peut amener à questionner un objectif, peut nécessiter un retour de la pensée sur elle-même en vue d’examiner plus à fond une idée 1, une situation. Elle doit permettre de prendre du recul sur une situation ou un problème et de laisser la créativité des parties prenantes s’exprimer. et amener à une somme d’idées. Elle peut ne nourrir qu’un besoin de clarté, de distinctions, de sens (les questions, « quoi « , ‘où’ et « pourquoi ») . Avec la question « Comment », Elle nourrit un besoin de créativité, et cherche une stratégie pour répondre à un problème.

Distinguer : mélanger ces espaces (de temps, de personnes, de tempo), ne pas les distinguer, conduit à un gros chaos, qui dégénère en directivité et en solutions simplificatrices 2, puis probablement en laisser-aller 3 (puisque la réelle complexité n’est pas adressée) .

Asynchronie: Dans un espace non linéaire (aka « la réalité ») les questions surgissent sans préavis, les décisions ne peuvent attendre que tout le monde soit disponible pour discuter, ait participé ou même lu les débats, et que tout le monde ait agréé. il ne faut pas espérer qu’elles suivent un cycle budgétaire annuel, calé sur l’année comptable. Il faut donc pouvoir faire tout cela en parallèle, de manière asynchrone et imparfaite, avec ceux qui sont disponibles. Et en permettant aux autres de raccrocher les wagons a posteriori, sans remettre une pièce dans le juke box, et ré-ouvrir les discussions à chaque nouvel arrivant. C’est-à-dire de manière distribuée (versus centralisée)

Solution

Pour traiter l’asynchronie et la distribution, nous choisissons d’avoir une solution holoptique, (tout le monde peut lire tout) , ou les conversations sont rémanentes et organisables (structurées)

(par exemple: pas de mail ou d’ instant messenger « Un à Un » ). À l’âge du PC, ce fut les forums avec des fils, à l’âge du téléphone, c’est Slack.

Nous préférons une interaction conversationnelle à une version rédactionnelle (mémos) 4, notamment pour la réflexion dialogique.

Comment : les 4 espaces séparés dans slack accueilleront chacun un aspect de cette distinction

  • Idéation : Réflexions dans #Investigation
  • Décision : Proposition à décider dans #Propositions_log (pré décision, accueille les objections et bonifications)
  • Décision : Relevé de décision dans #Décision_log ( post décision)
  • Action : Coordination dans #Coordination

Chacun des 3 espaces de slack ont un objectif et une gestion de l’information qui lui est propre, détaillés séparément. ( voir ci après)

Résultat

L’organisation :

  • permet de réfléchir/décider/exécuter en parallèle, de manière distribuée

  • bottleneck: sans dépendre de la disponibilité d’un élément central (un ou plusieurs chefs/décideur/expert () , qui n’auraient pas le temps de réfléchir sur tout, ni même de prendre connaissance des réflexions (ou de prendre les temps de les intégrer)

  • La prise de décision n’est pas panoptique (seul un petit nombre sait) .

  • La prise de décision respecte tout le monde, sans pour autant attendre tout le monde, ou espérer que tout le monde ne converge sur tout.

  • Le système est plus basé sur l’expérimentation ou le savoir, que le simple pouvoir.

  • L’exécution ne dépend pas d’un coordinateur central et unique ni ne présuppose l’infaillibilité de l’exécutant, ou de son auto contrôle parfait .

Rational

Le fait de créer un endroit où la parole est libre crée de l’émulation, qui crée de la motivation, qui crée de l’engagement, qui crée de l’action.

La parole libérée est le premier des deux facteurs de l’engagement, le deuxième étant le contrôle (distribué versus centralisée)

Le contrôle distribué sera lui présent dans le canal de décision réparti, ou tout le monde (concerné) peut objecter (versus un, ou un petit nombre)

Le sens

Notons que l’engagement va créer de l’agitation, qui va créer du mouvement, ce qui est « cool », si ca va pas dans tous les sens.

Afin que cela ne reste pas désordonné, de l’agitation, un simple mouvement brownien, il faut mettre du sens c’est-à-dire que les participants rament dans la même direction, même s’il ne rament pas nécessairement ensemble et en même temps et de la même force.

Pour cela il faut créer du sens, une direction. Une manière de le faire est de la vision, ou en ligne avec l’effectuation, une série de contraintes et de buts quasi décomposables.

La vision de cette complexité peut se synthétiser dans le « radar », un outil visuel, qui sera l’objet de la quatrième partie.


Remerciement :

La Version initiale fut co-écrite avec Jean-Yves Ruault et Segolène Porot


  1. la pensée réflexive, chère à Morin. 
  2. le réductionnisme 
  3. ce qui est le cas des réunions IRL, ou le temps compressé, le nombre de sujets et de participants, amène à ne traiter que les sujets simples, au réductionnisme et souvent à un traitement brutal, faute de temps. voir les conditions de la non directivité 
  4. (sans l’exclure, pour les synthèses notamment) 

Gérer un groupe de coach ou de réflexion – Partie 1 – Le problème

Comment gérer un groupe de coach , ou un groupe de réflexion ?

Le management traditionnel , simple et directif, n’a pas de sens dans une situation complexe et échouera.
Un modèle en influence tournera en rond et s’épuisera.

Quelles sont les alternatives ?

Distinguer les espaces de Réflexions, Décision et de coordination, et les structurer adéquatement.

La première partie de cet article décrit la problématique, la seconde un exemple de solution implémentée.

Comprendre la problématique

Constrastons une équipe traditionelle (E) 1 et un groupe de coachs (C) agile 2.

Le but d’une équipe traditionnelle est de produire, celui des coachs de transformer, c’est a dire essentiellement d’interagir avec des humains. Ils ne « produisent » donc rien.

(E) Applique des techniques connues pour agir et produire, (C) transmet des pratiques émergentes pour interagir.

(E) Rencontre des problèmes connus, et utilise de l’expertise pour les résoudre (C) fait face à des paradoxes, et tente de les dissoudre en prenant du recul.

(E) se stabilise dans une routine, (C) vit dans l’émergence et l’évolution.

l’équipe (E) est stable, peut être même colocalisée, elle est synchrone, le groupe (C) est dispersé, réparti, et couramment les coachs sont à 3/5 ou 4/5. il est asynchrone.

(E) vit dans un système stable et structuré (C) vit dans un système ou il y a de multiples injonctions contradictoires et antagonistes.

(E) Essaye de foncer, et d’agir, (C) essaye de prendre du recul et de voir les forces antagoniste, pour décrypter les situations, pour « dénouer  » 3 le complexe : la pensée réflexive, qui s’observe elle-même,
Ceci afin de rendre la complexité « actionnable », et sortir le système de l’homéostasie.

comment piloter ?

Le management traditionnel est conçu pour piloter une Équipe (E), dans le simple 4 en mode directif.

Mais cette approche n’a pas de sens dans une situation complexe et émergente, et échouera si on l’applique sur une équipe de coachs.

Un modèle en influence mutuelle 5 tournera en rond et s’épuisera.

Enfin, notons que l’agile est conçue pour des équipes petite, synchrone et dans l’action, et donc
Un groupe de coach , asynchrone et réflexif, ne peut 6 donc pas appliquer ses techniques à lui-même !

et donc, que peut-on faire ?

La deuxième partie de cet article présente un exemple de solution implémentée


  1. certes un peu idéalisée ici, pour forcer le contraste. 
  2. dans une grande transformation à l’échelle. Nous ferons l’hypothèse qu’ elle a dépassé le stade où elle fait juste de la formation et déploie du scrum à l’échelle, ce qui n’amènerait pas de transformation ]. 
  3. complexus, c’est tissé, noué , en latin 
  4. voir dans le compliqué 
  5. Le modèle par défault d’un groupe de coaches. 
  6. il peut, bien sûr, et va le faire. C’est même le réflexe premier d’ un groupe de coach agile. Mais ça va échouer, et ça ne sera pas vu et « reconnu », par absence de « differentiation clés ». Car l’agile évolue dans le cadran complexe, et ce groupe dans le cadran « chaos ». 

La maturité d’une transformation – Partie 3 – Obstacles et confusions

Résumons les deux premières parties de cet article :

  • La compréhension autour d’une transformation évolue alors que la transformation avance.
  • Le changement est continu et non discret avec un avant et un après.
  • Cela concerne tout le monde et non une part séparée de l’organisation.
  • Ca touche la structure organisationelle – et aussi le social et le culturel – et ce changement ne se décrète pas comme un business process, classiquement on ne sait pas comment l’opérer.

  • Des compétences spécifiques doivent être développées pour performer et se transformer.

  • Les compétences idoines doivent être internalisées et pérennes.

  • Ces nouvelles compétences doivent être intégrées, pas juste connues intellectuellement.
    Sinon cela n’aura aucun effet. Et c’est l’effet transformateur qui est recherché, pas un effet de vitrine.

  • Elles vont se diffuser viralement, selon une courbe en S – lentement au départ, inexorablement ensuite -.

  • Au départ, elles doivent être soutenues, autorisées et structurées.

III. Obstacles


Sur un chemin de transformation, il y a toujours des barrières à franchir, des obstacles à surmonter. C’est normal ! En revanche, si ces obstacles se transforment en points de blocage susceptibles de stopper, même temporairement, la dynamique de changement, c’est une autre affaire ! La distinction entre les deux n’est pas toujours évidente, surtout au début 1. Les voir et les appréhender en avance permettent de changer ou d’adapter la trajectoire et la vélocité. 2 Cela évite les solutions simplistes, qui ne fonctionnent pas.

À tout problème complexe il existe une solution simple, claire et fausse. — G. Bernard Shaw

Citons quelques barrières, certaines classiques, d’autres moins :
– la procrastination et l’incertitude face au changement
– la perte de repères et la confusion des repères  (le besoin d’ordre) l’organisation multiculturelle jaune +.
– les paradoxes. Confondre avec problèmes et résolution, surtout dans un environnement technique. Prendre du recul plutôt que de foncer. (prise de recul et considérer)
– l’incertitude et la confusion avec la gestion des risques. Conservatisme et vivre avec la trouille au ventre (sécurité et courage)
– quels « pouvoirs » pour quelles communautés . Qui peut faire quoi ? (ordre chaos et anarchie)

Tout le monde ne réagit pas de la même manière au changement

Face à un changement, il y a 4 types de réactions, schématiquement 3 :
– les enthousiastes (1) ( 15%)
– les partagés (2) et hésitants (3) (60%)
– les irréductibles (4) (15%)

Les premiers ( 15%) aiment la nouveauté en soi, il suffira de les identifier et de les soutenir.
Les seconds veulent être sûrs que les autres bougent et que ça marche (30%), ou hésitent face à l’inconnu, mais bougeront si on leur donne des ordres clairs et précis (30%).
Enfin, les irréductibles ( 15%) seront prêts à affirmer leur peur du changement de manière musclée.

Les motivations des uns sont antagonistes à celles des autres . La simplicité d’une approche unique doit alors être abandonnée – qu’elle soit directive/top down ou participative 4 -, au profit d’ une approche calibrée pour chaque segment. C’est la métaphore du train. On embarque les plus motivés (1) (la locomotive), qui vont montrer que ça marche et rassurer la première majorité (2), le premier wagon. Il y aura alors assez de clarté pour piloter « précisément » le groupe (3), le deuxième wagon. Le groupe (4) n’aura alors plus de prise sur le groupe majoritaire (2) et (3), qui est réellement l’enjeu5 d’une transformation. Le train sera parti.

Ce n’est pas une stratégie manipulatrice, mais une stratégie qui tient compte de la diversité de motivation des individus et qui les fait bouger en conséquence.
Cela nécessite d’aller sur le terrain et de faire se révéler les motivations individuelles. Ce n’est pas de la stratégie en chambre, en tour d’ivoire.

La locomotive, c’est le réseau qui va se constituer autour de ces nouvelles compétences d’interaction et qui sera le vecteur d’évolution de la culture, les nouveaux repères.

Plusieurs systèmes vont cohabiter (social, culture)

Dans le train du changement, tout le monde ne part pas en même temps , ni ne va à la même vitesse. C’est l’intérêt (ne pas marcher au pas du plus lent), mais cela pose une problématique nouvelle: plusieurs « systèmes » vont cohabiter et ils ne seront pas dans des silos étanches. Ainsi, un manager verra ses équipes pionnières embrasser l’autonomie à fond et râler d’être ralenties par le reste du système, tandis que les plus conservateurs râleront que les « autres » ne respectent plus les sacro-saintes règles de la « tradition » et la grande majorité va se sentir en perte de repères et en manque de clarté (le temps que la compétence de leadership se distribue, cf plus loin).

La problématique se reproduira (comme une fractale) dans une même équipe multi-compétences, dont tous les membres n’auront pas les mêmes appétits au changement et aussi dans la couche managériale, qui vont se demander où ils vont et à quoi ils [servent désormais](les rôles canoniques)

Cela va apparaitre paradoxal et cela doit être géré, sous peine de stagnation.

Cette problématique du « multi-culturalisme », la cohabitation de plusieurs systèmes-références, va générer des tensions et elles ne sont pas « résolubles » car ce sont des paradoxes et non des problèmes.

Il y a des paliers d’intégration : attention aux plateaux et aux plafonds !

Un exemple de Pisano, les cultures innovantes sont décrites comme « funs », pleines de jeux collaboratifs et d’expérimentation, empreintes de tolérance à l’erreur. L’autre face de la même pièce est moins « fun »:

  • Une tolérance à l’échec exige une intolérance à l’incompétence.
  • La volonté d’expérimenter exige une discipline rigoureuse.
  • La sécurité psychologique exige d’être confortable avec une candeur radicale.
  • La collaboration ne va pas sans une imputabilité individuelle (EN:accountability).
  • Et l’abandon d’un pur système top-down exige la montée de leadership fort (et réparti).

Les cultures innovantes sont paradoxales. Si les tensions créées par ces paradoxes ne sont pas soigneusement gérées, les tentatives visant à créer une culture novatrice échoueront.

Parmi les agents de changement eux-mêmes, citons la tension coach-consultants :
– le consultant est productiviste, matériel, hiérarchique,
– le coach est immatériel, soutenant, autonomisant, souvent anti-hiérarchique

Confusion entre incertitudes et gestion de risque

Confusion entre communautés, décision et diffusion

mécanisme de diffusion vs mécanisme de régulation
courbe d’embarquement


  1. L’expérience, c’est le nom que chacun donne à ses erreurs – HG wells. 
  2. Les motards savent qu’on ne met pas les gaz avant de voir la sortie du tournant ! 
  3. La version longue et explicite est  
  4. L’erreur serait ici de fait une seule stratégie, la même pour tout le monde. Top down ou même participative. C’est un classique, documenté depuis les années 70 et pourtant, répété – récurremment et surtout – par les grands cabinets de consulting dans les niveaux 2 (et 3), qui font du changement « en chambre » et non sur le terrain, puisqu’ils n’implémentent pas les transformations qu’ils recommandent. 
  5. Les passifs (60%) sont l’enjeu du projet. Si, in fine, ils nous suivent, alors notre projet sera un succès, s’ils suivent nos opposants ou pire, s’ils ne font rien, alors ce sera un échec. 

Voir les tensions dans les postures de coaching

Les discussions entre coachs sur la « posture » sont légions, et pas toujours argumentées, à mon gout. Le vocabulaire utilisé parle de posture « haute » ou « basse », ce qui manque de nuances, et ne parle que des préférences du coach, sans tenir compte de ce qui est souhaitable pour l’environnement, à ce moment-là, ou de ce qui est possible, tolérée par la culture.

Or, en tant que coach agile en entreprise, je me retrouve en tension entre ce qu’il faut faire, ce que j’aime faire et ce que la culture tolère. Afin de gagner en clarté là-dessus, voici des éléments pour se clarifier, avec soi-même ou en groupe.

Vocabulaire

Posons déjà une « échelle » de postures, comme une évolution du plus directif au moins directive:

  • directif
  • compromis
  • consensus
  • conseil
  • non directif

Avec ces définitions, si A est le coach et B le coaché:

  • directif : A décide pour B.
  • compromis : A et B négocient.
  • consensus : A et B s’influencent pour converger.
  • conseil : A propose des solutions, B décide.
  • non directif : A écoute B, A ne propose pas de solution ( il reformule pour la clarté, tout au plus)

Avec cette échelle, je peux différencier :

  • ce que j’aime : ce qui est tolérable pour moi, pour être en intégrité avec mes croyances ou valeurs et aussi, ce que je sais faire
  • ce que je dois : ce que la situation requiert,
  • ce que je peux : ce que B ou la culture d’entreprise « tolèrent », ce qui est « culturellement » acceptable.

Illustrons avec un exemple :

A est un coach agile, B est un manager, disons « Executive Director ».

Posture j’aime je dois je peux intersection
directif x
compromis x x
consensus x x x x
conseil x x
non directif x

Qu’observons-nous ?

que la seule position possible est le consensus.

Cela ne sera donc pas rapide et il n’y aura pas de garantie de résultat.
Cela a de forte chances de ne pas aboutir.

( discussion plus loin)

Illustrons avec un deuxième exemple

A est un coach agile, B est un manager, disons « team manager », et l’organisation change ( un modèle SAFE ou Spotify disons). Il devient PO. ( et ne peut donc plus « piloter »/micromanager son (ex) team)

Posture j’aime je dois je peux intersection
directif x
compromis x x
consensus x x
conseil x x
non directif x

Qu’observons-nous ?

qu’il n’y a pas de solution possible.

La nouvelle organisation est déployée et ce n’est pas « optionel ». Et c’est immédiat.
Il n’y a pas de temps pour « influencer ». ni d’espace pour « ordonner »
Cela n’a aucune chance d’aboutir.
( discussion plus loin)

Application à un groupe

Un groupe de coach peut se livrer au même exercice.

Chaque coach décrit ses préférences et sa perception de la situation (individuellement, en double aveugle ), puis on compare les résultats ( par exemple en 124 )

Cela permet:

  • Du binomage de coachs , soit avec des valeurs similaires, soit dissimilaire, selon qu’on veut privilégier le confort ou l’exploration des différences et l’apprentissage.
  • Cela minimise les frictions par « convictions », ou chacun essaye de convaincre l’autre ( ou de l’influencer) ou au contraire, d’éviter les discussions par peur des conflits, car le débat aura eu lieu en clair et en collectif.
  • Cela permet une « franche discussion » sur les contradictions imposées par la situation et la culture.

Une fois l’opinion collective stabilisée, on peut sortir de l’enfermement dans les paradoxes (pour les coachs) , et le cas échéant, en discuter « raisonablement » avec la hiérarchie, sur une base argumentée plutôt que de convictions basées sur des concepts flous ou ambigus.

Conclusion

Il importe de distinguer l’impossible du possible, et notamment ce qui est dur , lent et pénible de ce qui est impossible. Ce qui est impossible ne le deviendra pas, même après un temps infiniment long.

Pour sortir de cette potentielle confusion, nous avons proposé deux distinctions:

  • distinguer les postures, les nommer assez finement (mais pas trop)
  • distinguer requis, désirable, et tolérable

Si l’intersection est vide, c’est impossible.
De plus, nommer les postures permet une discussion « raisonable » sur le champ d’action des coachs ( le « cadre » ) , versus les attentes de la mission, et ouvrir à un dialogue et peut être à de la clarté.
Le cadre peut alors être redéfini, sur bases de contraintes explicitées.

Discussion des exemples

Pour analyser les exemples, il faut clarifier quelques points, détaillés après :

  • la non-directivité demande plus de ressources. Moins on a de temps disponible, plus on devient directif.
  • le paradigme usuel des caoch agile, c’est du conseil et du consensus
  • le consensus, c’est de l’influence, c’est de la manipulation, et les les coachs agiles peuvent avoir du mal d’assumer cela.
  • le « conseil en management », ce n’est pas du conseil, mais de la directivité.
  • la non-directivité n’est pas un paradigme clair ou accessible à la plupart des coach agiles.

Clarification des exemples

Ici, on se place dans le cas dans le cas d’une transfo « top down » pilotée par un cabinet de consulting ( et non pas d’une transfo « emergente » en bottom up). idem pour l’exemple 2

exemple 1

Le seul paradigme possible entre ce qui est désirable, possible et viable est içi le consensus.
Le « directeur » ( habitué aux positions de « pouvoir ») ne supportera pas une injonction ni même une négociation de la part d’un coach , qui n’est ni un « Pair » ni un « supérieur ».

Son agenda et sa disponibilité intérieure ne lui permettront pas de réfléchir à des choses trop loin de son point de vue actuel, trop complexe ou profond, ou qui nécessite trop de remise en question.

seule l’amélioration incrémentale sera possible ( kaizen), et pas l innovation de rupture ( kaikaku )

Dans un contexte de transformation « rapide », le gap à franchir sera trop grand par rapport aux disponibilités, les ressources à fournir seront trop importantes par rapport à ce qui est disponible .

De plus, ce niveau de pouvoir à la capacité d’éviter impunément l’inconfort potentiel (de l’exigence) de transformation.

La probabilité d’échec est haute. Seuls des personnalités « curieuses » et ouvertes s’engageront dans ce chemin.

exemple 2

Dans un modèle spotify ou SAFE, il y a séparation des fonctions du PO et du SM,

Le team manager a des fonctions opérationnelles. Il est dans une perspective d’immédiateté et de réactivité, il n’ a pas le temps de se faire influencer, ou de « discuter » de choses non opérationnelles.

Il rapporte à une hiérarchie, et le coach n’en fait pas partie. Le coach ne pourra « ordonner » quoi que ce soit, et le mid manager n’a pas d oreilles ni de temps pour des « conseils ».

non-directivité

moins on a de temps disponible, plus on devient directif.

Plus on monte vers la non-directivité, plus il faut de ressources disponibles :

  • du temps
  • de la disponibilité intérieure
  • des ressources matérielles
  • des moyens
  • de l’information
  • de la confiance

Exemple: un pompier qui arrive sur un site de crash donnera des ordres (faites ceci , faites cela ici) (directivité), puis l’urgence passée, donnera du soutien empathique, de l’écoute aux victimes (non-directivité). et non l’inverse.

En conséquence, essayer de monter vers la non-directivité sans s’accorder les ressources nécessaires ne fonctionnera pas. Cela doit être clarifié avec les managers aux agendas surbookés. La disponibilité intérieure sera encore plus dure à trouver que le slot dans l’agenda. 1

La manipulation, ç est mal !

Dans le paradigme du consensus, tout le monde cherche à ramener l’autre à son point de vue, par l’influence. Sans violence. Sans lui dire . c’est une manipulation.

manipulation : Une personne veut en amener une autre quelque part, en lui faisant croire que ce mouvement viendrait d’elle (chantage, séduction, publicité, etc.).

Le consensus marche au pas du plus lent, et ira aussi loin que la moyenne le peut. Car il faut avant tout préserver le lien, le groupe .

Ce n’est pas un paradigme qui va gérer facilement les divergences d’opinions et les opinions multiples, qui amènent à la confusion et à l’immobilisme.
Ce n’est pas un paradigme qui permet de traiter des problèmes « complexes » .
ce n’est pas un paradigme qui permet les ruptures ( SD: vert))

Lorsqu’un coach réalise que son paradigme dominant (l’influence) est de la manipulation, il a souvent une réaction horrifiée, et des fois, de déni.

Il est alors aidant de voir que ce paradigme :

  • est la moins violente des 5 pédagogies possible, (lorsque la non-directivité n’est pas possible ou disponible)
  • que souvent le coach s’est posé une « Exigence d authenticité », or cette authenticité n’est pas toujours possible ou souhaitable , là, maintenant. Par exemple, le coaché n’ pas toujours la disponibilité, le temps, l’accueil requis 2

l’acquisition d’un paradigme supplémentaire , celui de la non-directivité, permettra de dépasser cette limitation.

le conseil en management

Malgré ce que le nom pourrait laisser entendre, le conseil en management n’est pas dans le conseil. Certes il « conseille » ou « influence » le top manager, mais une fois la nouvelle organisation décidée, elle est implémentée de manière directive pour ceux concernés. Sans objections possibles, à priori.

Il est à noter que la directivité est le mode de fonctionnement interne des cabinets de consultants ( qui ont une doctrine interne « up or out« ), et donc, c’est le seul mode de fonctionnement connu pour des personnes qui ont été recrutés directement à la sortie de l’école, et non pas d’expérience dans les modes en vigueur chez leurs « clients ».

Ils n’ont pas d’expérience ( autre que théorique peut être) de la « résistance au changement », puisque la ou ils vivent, il n’y en a pas (« out »), et qu’ils n’implémentent pas les organisations qu’ils « suggèrent ».

écoute polie, sympatique ou empatique

paradigme usuel du coach et problématique liées

les paradigmes usuels du coach agile sont le conseil et le consensus, la manipulation.

  • Le conseil en tant qu’expert agile ( enseignant)
  • La manipulation pour amener à l’autonomie

La plupart des coachs n’ont pas accès à la non-directivité ( ni même connaissance ou clarté là-dessus), et ont une grosse répugnance de conviction à la directivité. 3

Liens à d autres vocabulaires ou modèle

Pour les fans de pensée associative et de comparaison de modèles, voici quelques rapprochements fertiles.

Posture décision paradigme dilts delegation poker spirale AT
directive A decide pour B directivité 1 bleu PN
compromis A et B négocient compromis 2,3,5 orange A, (PN, ES)
consensus A et B s’influencent pour converger manipulation 4, mentor 4, 6 vert A, EL, ES, PS
conseil A propose des solutions, B décide compromis, manipulation 3, enseigner 4, mentor 5 orange, vert A, EL, ES, PS
non directive A écoute B, A ne propose pas de solution non-directivité 7 eveilleur jaune A
source et modèles divers

  1. ca demande du lâcher prise, pour quelqu’un dont le métier est le contrôle. On appréciera l antagonisme. 

  2. merci thomas clavier 
  3. beaucoup sont devenus coach agile en contre réaction au modèle hiérarchique. Et peu ont exercé des fonctions managériales auparavant. 

La Maturité d’une transformation – Partie 2 – Comment

Résumons la première partie de cet article :

La compréhension autour d une transformation évolue , alors que la transformation avance
– le changement est continu, et non discret avec un avant et un après.
– cela concerne tout le monde , et non une part séparée de l organisation
– ca touche la structure organisationelle mais aussi le social et le culturel.
– ce changement ne se décrète pas comme un business process, classiquement on ne sait pas comment l’opérer.
– Des compétences spécifique doivent être développées pour performer et se transformer
– les compétences idoines doivent être internalisées et pérennes

Des compétences doivent être développées pour performer et se transformer.

Les bonne compétence ne sont pas présentes, (et donc devront être développées). Pas présentes, car on apprends à « dire », pas à « écouter », à dominer ou s’écraser, pas à collaborer, à travailler seul, pas à plusieurs

En effet, l’école nous apprends juste a prendre et donner des ordres,
– à avoir raison en montrant le tord,
– pas à co-élaborer, à gérer un désaccord ou un conflit,
– pas à décider à plusieurs,
– pas à distinguer sympathie et empathie,
– pas à écouter sans chercher à convaincre,
– pas à se soutenir face a l’incertitude.

Il ne faut donc pas s’attendre à trouver des personnes « formées ». Et donc elles ne sont pas présentes dans l’environnement professionnel (généralement).
Et pourtant, ces compétences sont nécessaires à la performance des équipes, ainsi que Google l’a mesuré chez lui , sur 200 teams pendant 3 ans . (Et cela indépendamment de toute idéologie ou conviction personnelle (bienveillantes ou libérantes)).
Aussi ces compétences doivent être développées pour que les interactions puissent changer, ainsi que les systèmes de référence. ( c’est-à-dire le social et le culturel).

Pour que cela marche, ces compétences doivent être intégrées, et suffisamment présentes (diffusées) . Expliquons cela.

Ces nouvelles compétences doivent être intégrées, pas juste connues intellectuellement. Sinon cela n’aura aucun effet . Et c’est l’effet transformateur qui est recherché, pas un effet de vitrine.

La plupart des « formations » ( de un a 5 jours) proposent de l’ « information », une découverte, une sensibilisation, quelques fois amènent une compréhension. Mais pas une intégration, une assimilation qui prend du temps, nécessite des efforts et du soutien. Il faut mettre en pratique ces informations pour les intégrer, pour devenir « compétent » 1
Au fur et à mesure que les compétences sont mises en pratique, elles vont se diffuser dans le milieu. Mais lentement au départ…

Ces nouvelles compétences se diffusent selon une courbe en S

La diffusion de l’adoption des pratiques (et donc de la transformation) va ressembler à cela 2 :

Ce premier point d’inflexion est très important

En chimie c’est le point de précipitation . En physique ça s’appelle le point d’avalanche. En sociologie c’est le point de bascule , le « tipping point » décrit par malcolm gladwell, dont le best seller a établi la notion de propagation « virale » dans une culture, et qui a amené la montée des start-up (et la première bulle ) . À la maison, c’est la mayonnaise.

  • Après ce point, c’est inéluctable.
  • Avant ce point, c’est fragile.

    Avant, on l’impression que rien n’avance, que rien ne se passe . le liquide est transparent 3, la neige est toujours immaculée, tiens à la paroi 4 , l’huile et l’eau sont séparées 5 .
    Après ce point, il n’y a plus d’huile et d’eau, mais une mayonnaise, une avalanche se déclenche, et le liquide change de couleur.
    On a l’impression que ça arrive tout d’un coup, mais en pratique cela montait progressivement, comme la température pour la neige, la concentration en chimie, l’agitation en cuisine .

    Ce n’étais juste pas (encore) visible. La transformation n’était pas apparente.
    Pour que ça le devienne, il faut arriver à ce point d’inflexion.

Et cela demande du temps, de la persévérance et les bonnes conditions.
C’est la métaphore de la stratégie du thé 6 : pour faire du thé, il faut certes du thé, mais aussi de l’eau chaude et du temps, et on ne peut pas remplacer l’un par l’autre, si on fait plus chaud et moins de temps, le thé ne sera pas bon.

Au début, il y a peu de personnes , pas bien formées, pas très compétentes . À la fin, beaucoup de personnes, bien formées, très compétentes. (Notez :un aspect quantitatif, et un aspect qualitatif.)

Après le point d’inflexion , c est inexorable. 7
Avant le point d’inflexion, c’est fragile, et doit être « cultivé » et soutenu.

C’est la métaphore du jardinier .

Cela se retrouve dans la sagesse populaire sous forme de dictons reflétant des bascules sociétales:

« D’abord ils t’ignorent, puis ils se moquent de toi, puis ils te combattent, puis tu gagnes. » –Mahatma Gandhi

Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puisse changer le monde. C’est même la seule chose qui ne se soit jamais produite. – Margaret Mead

C est le « Ridicule, Dangereux, Evident » repris par Idriss ABERKANE :

Toute vérité franchit trois étapes. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant été une évidence. — Arthur Schopenhauer

Encore faut-il ne pas chuter avant d’arriver à ce point de bascule. Examinons ce jardinage.

Un réseau qui soutien le changement et la diffusion de compétences

Pour parler une nouvelle langue, apprendre à l’école donne certes quelques bases, mais en réalité, c’est le fait de pratiquer qui vous rendra bilingue.

Et donc les premiers qui seront formés a ces nouvelles compétences retourneront à leur quotidien, baigneront dans les « anciennes » pratiques, et auront peu d’occasions et se sentiront maladroit de mettre les nouvelles en pratique ( et subiront peut-être des remarques de leurs collègues) . Et, ne pratiquant pas, l’intégration n’aura pas lieu.

Il faut donc soutenir l’intégration, par des pratiques délibérées.

Ces sessions de pratiques délibérées ont lieu entre les personnes déjà formées, avec la présence d’un coach, dans une espace sécurisé. Elles permettent d’affirmer ses compétences, de les intégrer, et en même temps, de voir des pairs pratiquer, ce qui renforce le sentiment d’appartenance et d’autorisation. Cela ancre la nouvelle culture dans la réalité . Il y aura moins d’hésitation à les mettre en pratique alors.

Ces sessions peuvent être ritualisées dans un « cercle de pratique », récurrent, qui va aussi amener à créer un réseau.

Les compétences toucheront le social et le culturel

ce réseau va permettre le soutien, la diffusion des nouvelles formes d’interaction, l’évolution des valeurs et des références partagées, c’est-à-dire le social et le culturel

Cela n’ira pas tout seul, aussi il convient de voir et comprendre la nature des obstacles qui vont se dresser sur la route de ces pionniers, et cela sera l’objet de la partie 3 de cet article



  1. Qui connaît bien son travail, qui est parfaitement apte à la fonction qu’il exerce . Larousse 
  2. Ainsworth-Land, George T. 1986. Grow or Die: The Unifying Principle of Transformation. Reissued ed., 1st ed. New York: wiley. 
  3. métaphore de la précipitation 
  4. métaphore de l’avalanche ( avec la montée de la temperature) 
  5. la métaphore de la mayonnaise 
  6. utilisé depuis les années 90 dans les milieux anglo-saxons . repris par [zara] 
  7. c’est une loi de puissance , qui coupera n’importe quelle droite ( celle des attentes linéaires) 
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